jeudi 2 avril 2020

ASSEZ DE GÂCHIS !

                 



ASSEZ DE GÂCHIS !

                  

           LETTRE OUVERTE À MES CONTEMPORAINS

 

 

 À quand remonte la Crise avec un grand C ? À 2008 avec le "crash"? À 2006 avec les "subprimes"? À la guerre de 40? À celle de 100 ans? À la chute de l'empire Romain? À Caïn et Abel…
 
Il n'existe pas d'autre enfer que celui que nous créons individuellement et collectivement. La Terre n'offre-t-elle pas toutes les conditions pour que chaque individu, chaque espèce y prospère harmonieusement? Seule la nôtre, avec son cerveau tellement sophistiqué, a réussi ce tour de force d'en faire un lieu de discorde et de dysharmonie plus souvent en crise qu'en bonne santé. Mais il n'est pas trop tard. Il est encore temps de revenir à nous. J'emploie à dessin ce terme de 'revenir à soi', comme cela arrive après une perte de conscience car c'est bien de cela qu'il s'agit, nous avons perdu conscience. Mais l'avons-nous jamais eue, sauf par éclairs…
Ne faut-il pas avoir perdu l'esprit pour avoir, en moins de deux siècles, exténué la Terre et les océans dont nous tirons notre survie? Pour avoir livré des guerres d'extermination à des natifs d'autres continents, des humains comme nous, que nous avons dépouillés pour nous emparer de leurs terres, des richesses de leur sous-sol? Pour les avoir déracinés, amputés de leur culture en  leur imposant nos croyances et une modernité qui ne leur laissent que les yeux pour pleurer? Ne parlons pas du Moyen Âge ni du temps de Christophe Colomb, cela se passe encore aujourd'hui sous nos yeux pour les Tibétains ou les Ouïgours. Ne faut-il pas avoir perdu l'esprit pour avoir pollué les éléments dont nous sommes nous-mêmes composés et dont notre existence dépend et pour persévérer dans cette voie sans autre issue que la destruction et la mort? Assez! Assez de gâchis!

QUE VOULONS-NOUS EN SOMME?

 Nous voulons tous vivre, respirer un air sain, boire une eau pure, manger à notre faim des aliments qui ne fassent pas de nous des "mutants transgéniques", travailler de nos mains, de notre intelligence, de nos dons artistiques à faire de notre bref passage sur Terre autre chose qu'un désastre. Nous ne voulons pas  quitter ce monde en sachant que nos enfants hériteront de notre politique de la Terre brûlée, de rivières, de fleuves, d'océans dévastés, d'un climat dégradé. Nous ne voulons pas de ce film d'épouvante que l'esprit corrompu par l'aveuglement et la cupidité est entrain de produire.

NOUS NE NOUS RÉSIGNERONS PAS!

Nous sommes de plus en plus nombreux à refuser de cautionner cette forme d'esprit pathologique et la misère qu'elle engendre pour les populations de tous les continents; à dire non à l'anéantissement des dernières colonies d'aborigènes, des espèces animales et des forêts en voie de disparition, au profit d'un petit lot d'exploitants qui s'enrichissent aux dépends de multitudes réduites au désespoir. Des complicités politiques,  des passe-droits crapuleux, des lois leur ont donné licence de se comporter avec un tel cynisme.
Changeons-les. Ensemble, nous pouvons le faire.

NOUS NE POSSÉDONS PAS D'AUTRE MONDE QUE CE MONDE.

Et nous n'avons plus le temps de tergiverser. Plus nombreux nous serons de par le monde à réagir, à suggérer des idées, à nous associer, à constituer des réseaux, à protester, à boycotter, à ridiculiser, à faire pression par tous moyens non violents sur les pouvoirs en place,  plus tôt nous redresserons la barre de cette galère en perdition qu'est la société actuelle. Il existe des associations innombrables qui agissent déjà et font un travail remarquable, beaucoup parmi nous sont venus grossir leurs rangs; il a toujours existé des êtres de moralité impeccable, des justes qui ont le sens de la droiture, de l'équité, du respect de soi, de l'amour d'autrui, de la compassion pour les déshérités. Soyons de ceux-là! Et puisque la mondialisation s'impose, d'un bout à l'autre de la Terre parlons d'une même voix:
 DÉCLARONS LA PAIX, La LIBERTÉ, L'ÉGALITÉ, LA FRATERNITÉ.
Cette devise et ses mots ne nous font ni peur ni rire. Ne parlez pas de compassion, de fraternité à ceux qui gravitent autour du pouvoir et se font des croche-pieds dans  leur paniers de crabes, nous savons bien pourquoi ils les ridiculisent.

AGISSONS SANS DÉLAI.

Avec l'ère du foisonnement industriel et technologique du grand capital, favorisé par la rapidité des communications et la circulation des informations en temps réel, un libéralisme outrancier s'est développé: la jungle des affaires avec sa loi sans pitié, la compétition sauvage, la cupidité, l'escalade boursière et les paradis fiscaux; en politique, le non respect des promesses électorales, la triche, le mépris et l'abus des classes défavorisées. Dans la foulée, les sociétés du crime organisé en ont profité pour proliférer, infiltrer la société civile, les institutions et diffuser leur esprit mafieux. Inconscients de leur responsabilité, des producteurs de films et de séries exaltent les exploits des "parrains" suscitant l'admiration des jeunes de banlieues et d'ailleurs, avec les risques de dérives que cela comporte.
Sur ce terreau, une forme de dysfonctionnement mental a gagné la plupart des couches sociales parasitant et contaminant la conscience collective. Ni les individus, ni le monde de la politique, ni les divers ordres religieux, ni même les associations humanitaires, n'ont été épargnés par la contagion.
Il n'existe pas de vaccin, pas de pilule magique pour assainir la psyché  du monde. On peut soigner le corps avec des molécules, mais pour décontaminer l'esprit qui régit le corps elles sont impuissantes.

SEUL L'ESPRIT PEUT DÉFAIRE CE QUE L'ESPRIT A CONÇU. 

Ce dont nous avons un besoin pressant, c'est d'une prophylaxie mentale, une écologie de l'esprit indissociable de celle de l'environnement et de l'écologie politique.  J'entends par là, une hygiène de l'esprit au même titre que celle du corps. N'avons-nous pas appris à nous brosser les dents? À nous laver les mains? Quel soin prenons-nous de ce avec quoi nous gérons notre vie, notre sensibilité, nos rapports familiaux et sociaux? Qu'en est-il de nos comportements? De nos engagements? Sur quels critères les choisissons-nous?
L'écologie de l'esprit s'apprend, comme le reste, et nous avons tout à découvrir dans ce domaine, mais soyons sûrs que si elle était enseignée dés le plus jeûne âge dans les écoles publiques, nous aurions tous à y gagner, les jeunes, les séniors et toute la société. Cependant, tant que ce n'est pas le cas, c'est à nous qu'il revient de l'enseigner à nos enfants. Mais auparavant nous avons besoin de développer et de parfaire notre propre éducation dans ce domaine. Donnons-nous les moyens d'intégrer de nouvelles connaissances.

LE MONDE CHANGE CHANGEONS AVEC LUI

À nous de reconquérir notre autonomie de pensée confisquée par la publicité et par la délégation de nos responsabilités citoyennes à des prétendus "spécialistes" inféodés au pouvoir en place; à nous de conquérir notre terrain d'études pour nous adapter à ce nouveau monde du XXIe siècle. Créons dés aujourd'hui des  Universités Populaires Écologiques, itinérantes ou fixes. Requérons de nos philosophes, de nos scientifiques, des juristes et des économistes, des poètes et des musiciens qu'ils nous apportent leurs lumières et nous aident à changer nos vieux schémas de pensée. Nos maîtres pourraient s'appeler Edgar Morin, Annick de Souzenelle, Hubert Reeve, Élizabeth Badinter, Robert Badinter, Gisèle Halimi, Pierre Rabbi, Olivier Messiaen, Christina Pluhar, et pourquoi pas, d'autres instructeurs venus de pays et de cultures différentes, potentielles sources d'inspiration dont les noms nous sont plus ou moins familiers, Je pense entre autres à Vandana Shiva. 
Peut-être leur transmission pourrait-elle se faire sous forme de conférences publiques, retransmises par exemple sur une "Radio Écologie de l'Esprit", (de l'Humain, ou tout autre meilleur nom à trouver). Nous pourrions voir l'orateur et son auditoire en streaming sur un site internet créé à cet usage — c'est peu coûteux — en direct puis en différé afin que tout le monde puisse y avoir accès à l'heure qui lui convient. Il s'agirait:
D'une éducation laïque, universelle s'adressant à tous et particulièrement aux parents désemparés  par rapport à l'éducation de leurs enfants, et à ceux d'entre nous qui souhaitent s'investir dans des postes de responsabilités politiques.
D'une mise en question des idées reçues que nous trainons comme de vieilles casseroles rouillées qui lestent  notre intelligence, l'empêchent d'envisager des idées neuves et de s'ouvrir à celles venues d'ailleurs, d'autres cultures et d'autres pays.
D'un entraînement de l'esprit à développer et à parfaire en y ré-insufflant, parce qu'elles ont été négligées, trois dimensions  parmi celles qui nous différencient du règne animal et nous définissent en tant qu'humains :

1. La conscience de l'éthique, ou bien (pour faire court car ce thème est trop vaste pour le développer ici) la rigueur, l'honnêteté morale impliquant le respect de sa propre dignité, de celle des autres, des droits de chacun — sans oublier ceux des animaux— et de notre liberté de pensée.
2. La conscience de l'attention aux autres, qui implique le fait de se sentir concerné par la souffrance d'autrui et d'agir pour en éradiquer ce qui est de notre ressort; cela englobe la solidarité, la fraternité sans lesquelles la société et la politique sont déshumanisées.
3. La conscience de l'attention à soi et au Monde, permettant d'éclairer notre compréhension de la relativité et de l'interdépendance de toutes choses permettant de réaliser que le bien-être de chacun dépend de celui de tous; que toutes choses existant dans le cosmos, du vers de terre à la galaxie, sont liées et interdépendantes; que le moindre événement en n'importe quel point de l'univers retentit sur tout le reste et en modifie l'information. C'est ce que les scientifiques ont appelé l'effet papillon et ce qui fait la preuve du bienfondé de l'écologie  politique, environnementale et spirituelle.
Que cela nous plaise ou non, nous sommes solidaires les uns des autres ainsi que de toute la création. L'attention à soi et au Monde est ce qui nous conduit à développer le sens de notre responsabilité universelle, c'est à dire à prendre en compte les conséquences concrètes et morales de nos actes  et à évaluer les dangers encourus lorsque l'on ne se soucie pas de fixer des limites à la soif d'expansion de l'ego. (L'ego? Vous savez? La voix qui parle dans notre tête et nous bassine: "Moi, le plus important"...)

— Quoi? Comment? Que venez-vous nous parler d'"éthique", de "compassion", de "conscience"… c'est bien un discours de femme! Ignorez-vous qu'en temps de Crise (Quand La Crise est dans l'air, elle prend un grand C!) on se doit de parler Finance, Bourse, Économie, Relance des Marchés, Abaissement des Retraites, restrictions des budgets concernant l'Éducation Nationale, la Santé, la culture?… (Quand la culture est dans l'air elle n'a droit qu'à un petit c!)

S'il vous plait, rengainez vos révolvers, Messieurs, ils sont impuissants contre ce qui anime les Justes, ces gens simples "sans peur et sans reproche" devant lesquels vous devrez vous incliner, comme nous le faisons tous. Sans doute existe-t-il d'autres méthodes pour redresser la barre, mais je ne pense pas que l'on puisse faire l'économie de celle-ci — un modèle d'éducation qui serait fort utile aux élèves récalcitrants quant à l'égalité des sexes. Si nous ne nous donnons pas les moyens de le mettre en chantier, toute nouvelle forme de modification politique ou sociale se verra détournée ou contaminée à son tour par le virus de la corruption qui se greffe sans peine, on ne le sait que trop, sur le cerveau des affamés de pouvoir plus soucieux de gains que d'éthique. À l'image des cellules malsaines proliférant dans un corps atteint de cancer, notre grand corps social humain est malade. Il suffit pour s'en convaincre de regarder quotidiennement le journal télévisé, pour  voir les dérapages quotidiens.

LA GUÉRISON OU L'EXTINCTION.

Ce défi ultime,  d'appliquer avec rigueur une écologie de l'esprit alliée à l'écologie politique et environnementale, il nous appartient de le relever collectivement et individuellement: que chacun balaye devant sa porte qu'elle soit extérieure ou intérieure, et tout le monde s'en portera mieux. Le bien-être, la santé, la survie même de notre espèce dépendent de notre intelligence de la situation mondiale et de nos engagements, compte tenu des dégâts que nous sommes en mesure de causer avec les armes nucléaires, les déchets atomiques, les pesticides, et autres bombes à retardement dont nous nous sommes dotés.
Quant à la Terre, en vérité elle en a vu d'autres, elle sait réguler son métabolisme et ses quatre grands éléments ont la capacité, si nous dépassons les bornes, d'éradiquer sans états d'âme notre espèce de sa surface comme la colonie de parasites dangereux que nous serons devenus pour elle. Ne poussons pas trop loin le bouchon.
Il semble que de tous temps nous ayons laissé à la religion le soin de développer la conscience de l'éthique, de la compassion et de ce que l'on doit à soi et au Monde; mais les églises, rappelons-le, font elles aussi face à la contagion, après tout, elles sont faites d'individus dont certains résistent, et il importe de leur rendre hommage, mais d'autres cèdent à la corruption qui assombrit des pans entiers de la société humaine. Il est temps que l'éducation de ces valeurs humanistes soit  prise en charge par des instances laïques et néanmoins spirituelles. Précisons que ce dernier terme se réfère aux qualités universelles de cœur et d'esprit qui font que, croyants ou non croyants, nous pouvons nous prétendre humains. Où sont nos sages, nos instructeurs? Ils ont du pain sur la planche.

QUI FAUT-IL SOIGNER? ET COMMENT?

La guérison de ce "cancer moral" passe donc par l'assainissement de l'esprit des adultes et en particulier, celui des candidats à l'Écologie Politique et celui des parents dont les comportements servent de modèle aux jeunes générations. Pléthore de pédopsychiatres, de psychothérapeutes et d'enseignants déplorent que leurs efforts pour aider les enfants qui posent des problèmes chez eux ou à l'école soient peu payés de succès. Ils vous diront qu'ils  reflètent souvent les dysfonctionnements de leurs parents. "Ce sont eux qu'il faudrait commencer par éduquer!" affirment-ils. D'évidence, les jeunes sont chacun à leur manière un reflet de la société dans laquelle ils ont pris naissance; ils n'appliquent guère  les sentences dont on les bassine, selon les cas, ils se calquent sur les comportements et les opinions de leurs ainés ou bien les rejettent systématiquement, mais ils ont parfois tendance à reproduire la violence et l'immoralité ambiantes.
Au lieu de faire pression sur les media, nous permettons qu'ils soient intoxiqués, tout comme nous le sommes, avec des doses massives de publicités mensongères, faites à grands frais pour nous convaincre que le bonheur s'obtient par la consommation et les biens matériels. Nos enfants deviennent accros à des films violents ou bien à des jeux virtuels qui leur font perdre le sens de la réalité quotidienne. Ils y jouent le rôle du héros pourvu d'armes et parfois de supers pouvoirs, mis en situation de détruire tout ce qui fait obstacle au but qui lui est assigné: être le tueur le plus performant, le gagneur, ce qui est censé les sauver du pire: être un "looser", perdre la face et la considération des autres. Ils courent ainsi un risque de  confusion entre réel et virtuel, et ce qui est pire, de devenir insensibles à la souffrance infligée à autrui dont on finit par ignorer qu'il est un être sensible comme soi.
Merci aux marchands d'illusion dont l'unique souci est de conditionner l'esprit du consommateur afin de grossir leurs capitaux. Merci aux multinationales distributrices de nourritures polluées qui font de nos gamins des obèses et la proie d'allergies innombrables.

Nous aspirons tous à vivre dans un monde en paix, dans une société plus conviviale, moins morose et à mettre un terme à l'escalade de l'exploitation outrancière des ressources de la Terre et des océans, ainsi qu'à la violence et à la corruption partout où elles sévissent. Si c'est là ce que nous voulons, le retour à une conscience saine pour les adultes  et une éducation adéquate pour les enfants, qu'ils soient de souche française ou de parents immigrés, alors que ce soit l'une de nos priorité. Ces postes devraient revenir à des enseignants formés à l'écologie de l'esprit, et sélectionnés avec une exigence particulière pour ce qui concerne les qualités de cœur et l'ouverture d'esprit. Fort heureusement, il en existe déjà beaucoup en France mais ils ont le bourdon et il y a de quoi! Donnons-leur la parole. Écoutons-les. Ils sont bien placés pour savoir ce qui ne va pas à l'école, au lycée, à l'université et assez perspicaces pour pointer ce qui manque à nos enfants pour en faire des adultes équilibrés, responsables et respectueux des valeurs humaines.

Les propositions contenues dans ce billet sont des suggestions qui peuvent être mises en application dés maintenant, prises comme base de réflexion, enrichies, modifiées ou simplement oubliées. Portez-vous bien et prenez soin des autres comme de vous-même.
 Lise Medini

Publié en 2010 sur le site d'Europe Écologie Les Verts 

 

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